Observation d’un Probable Pouillot de Hume Phylloscopus Humei

Alenxandre LIGER

CONDITIONS D’OBSERVATION

Le 21 décembre 2000, après une matinée de cours bien fournie à la Faculté des Sciences de Tours, je rentrais chez moi en traversant le Parc de Grandmont, empruntant comme à mon habitude un chemin à travers une petite futaie de chênes, parsemée de quelques buissons et arbustes. Cette partie du parc abritant une grande diversité de passereaux, notamment en hiver (mésanges, pouillot véloce, sittelles…), j’ai comme réflexe de regarder furtivement les oiseaux rencontrés en chemin. Ce jour là, outre quelques Rouges-gorges familiers Erithacus rubecula et Accenteurs mouchets Prunella modularis, j’observais un seul oiseau dans la zone buissonneuse du parcours, que je pris tout d’abord pour un Roitelet à triple bandeau Regulus ignicapillus, de par sa petite taille et son sourcil clair et net, même de loin. Je me situais alors à environ 15 mètres de l’oiseau. Pourtant, le « jizz » ne me paraissait pas correspondre à celui d’un roitelet. Sans vraiment m’attarder sur ce détail, je m’approchais doucement du volatile, afin de confirmer l’observation (je n’avais jamais contacté le Roitelet à triple bandeau dans ce secteur). Je commençais à attirer l’oiseau grâce au « pishing » et au bout de quelques secondes, celui ci se rapprocha à 7 mètres environ et je constatais, même avec l’absence de jumelles, qu’il ne présentait ni la coloration, ni la silhouette d’un Roitelet à triple bandeau. Je pensais immédiatement à un pouillot mais sa structure et sa teinte inhabituelle me poussèrent à « pisher » avec insistance. L’oiseau vint alors voleter à 2 mètres à peine et se posa à 1m50 de moi, sur une souche moussue, visiblement intrigué.

DESCRIPTION DE L’OISEAU

Les conditions d’observation étaient parfaites :
temps très ensoleillé (il était 12h00), pas de vent.

Pouillot de Hume / Pouillot à grands sourcils Phylloscopus humei / P. inornatus, Tours, 21 décembre 2000 (A. Liger)

Silhouette :
Silhouette de pouillot : petite taille, queue moyennement longue mais dépassant du corps. Ailes de longueur moyenne, tête assez grosse par rapport au corps et bec court et fin ; pattes de longueur moyenne. Par rapport à un P. véloce Phylloscopus collybita, la taille était inférieure et la tête plus grosse par rapport au corps (quasi absence de cou)

Parties supérieures :

Parties inférieures :
Blanchâtres, teintées de gris sur les côtés de la poitrine.

Tête :
Parties nues :

Comportement :
Très peu farouche, s’approchant à très faible distance. Il est resté 5 secondes à me fixer depuis son poste au sol avant de s’envoler pour rejoindre une branche assez basse (4 - 5 mètres de haut), puis il s’est empressé de s’alimenter en moucheronnant activement comme il le faisait au moment de sa découverte. Petits vols aller -retours, déplacements rapides sur les branches, parfois dans des positions acrobatiques (tête en bas…). Très actif, il n’a pourtant émis aucun cri, à mon grand regret. L’observation a duré en tout un peu plus de 5 minutes au bout desquels je l’ai définitivement perdu, le pouillot s’étant envolé au cœur des bois du campus. Rentré chez moi, j’ai immédiatement noté mes observations et réalisé des croquis de l’oiseau. Il n’a malheureusement pas été retrouvé l’après midi suivant mon observation, malgré des recherches. J’ai identifié cet oiseau comme étant un Pouillot à grands sourcils / Pouillot de Hume Phylloscopus inornatus / humei.


DISCUSSION

Le Pouillot à grands sourcils Phylloscopus inornatus, considéré auparavant comme un migrateur exceptionnel en France jusqu’en 1980, a donné lieu depuis à un grand nombre d’observations (577 données pour 600 individus : Dubois & Le Maréchal, 2000), grâce à l’essor de l’ornithologie de terrain et l’ouverture de la station ornithologique de Ouessant, site le plus visité par l’espèce en France. Son statut est actuellement celui d’un migrateur régulier et annuel en France, bien que rare. La plupart des observations sont réalisées à l’automne, notamment en octobre, sur la façade atlantique et proviennent essentiellement du Finistère. Pourtant, il existe quelques mentions hivernales, surtout dans l’Ouest et le Sud du pays. On peut citer quelques mentions hivernales dans le Centre et l’Est de la France : 1 à Ottmarsheim, Haut-Rhin, le 20 décembre 1981 ; 1 à l’Ailette, Aisne, le 28 décembre 1996 ; 1 à Yzeures-sur-Creuse, Indre et Loire, le 22 février 1997… Le pouillot observé dans le Parc de Grandmont pourrait d onc correspondre à un individu de cette espèce.
Pourtant, certaines caractéristiques du plumage de l’oiseau ne correspondent pas à la description d’un Pouillot à grand sourcil, notamment la couleur des parties supérieures plus brunes, la barre alaire des moyennes couvertures très peu visible et le bec et les pattes entièrement sombre. Signalons néanmoins que le Pouillot à grand sourcil en hiver a un plumage sensiblement plus brun, avec moins de vert olive sur les parties supérieures. La barre alaire des petites couvertures alaires peu aussi être atténuée (Beaman & Madge, 1998).
Le Pouillot de Hume Phylloscopus humei, récemment élevé au rang d’espèce, a donné lieu quant à lui à peu de mentions en France (4 mentions pour 5 individus), essentiellement en hiver (par ex. 2 ind. du 22 au 24 novembre en 1998 à Ouessant, 1 à Entressen, Bouches du Rhône, du 17 janvier au 23 février 1996…).
En conclusion, il est probable au vu de la date d’observation et des caractéristiques de plumage que cet oiseau appartienne à cette dernière espèce. On ne peut pourtant pas écarter la possibilité d’un Pouillot à grand sourcil ayant tenté (ou réussi !) d’hiverner en Région Centre, le seul critère sans appel différenciant ces deux espèces étant leur cri respectif. A mon grand dam, celui ci est resté muet…


BIBLIOGRAPHIE

Alenxandre Liger
10 cour Chaffaud
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