Un cas de «calvitie» chez le Merle noir Turdus merula

Le 26 septembre 2003, je me trouvais sur le campus de la Faculté des Sciences de Tours (Université François Rabelais) lorsque j’avisai un groupe de Merles noirs Turdus merula, d’environ 8 individus, occupé à rechercher leur nourriture sur une pelouse. Mon regard fut alors attiré par un oiseau aux coloris étranges : il s’agissait d’un mâle juvénile dont la tête s’ornait d’une huppe ! Me saisissant de ma paire de jumelles de poche qui ne me quitte jamais (on ne saurait être trop prudent quand on pratique l’ornithologie de terrain…), je pus le détailler pendant deux minutes, jusqu’à ce qu’un étudiant, inconscient de la gêne, ne fasse envoler au loin tout le groupe en traversant la pelouse.

Ses front et calotte étaient d’un brun rougeâtre. Son cou, déplumé, était rougeâtre et sa nuque, totalement privée de plumes, était d’un rouge vif. Le plus étrange était la courte huppe, brun rougeâtre encore, qui ornait l’arrière de sa calotte... Le reste de son plumage, ainsi que son bec et ses pattes, avaient des couleurs tout à fait conformes à ce que l’on est en droit d’attendre chez un oiseau de son âge et de son sexe.

La « calvitie » pathologique des oiseaux est, à ma connaissance, un phénomène mal documenté. On ne trouve dans la littérature que de rares mentions concernant des oiseaux nord-américains, baptisés « bald-headed birds », tels le Geai bleu Cyanocitta cristata et le Cardinal rouge Cardinalis cardinalis. La plupart de ces données sont collectées durant l’été et l’automne et concernent généralement de jeunes oiseaux en cours de mue. L’explication de cette mue brutale des plumes de la tête n’est pas connue ; on a parlé de problème hormonal, d’infestation par des parasites externes tels que des acariens ou des poux ou d’un quelconque facteur nutritionnel.. Peut-être y a-t-il d’ailleurs plusieurs causes possibles. Quoiqu’il en soit, il est certain que ces oiseaux, temporairement disgraciés, recouvrent rapidement un plumage normal.

Ayant fait appel à la communauté ornithologique francophone pour obtenir quelques informations sur le sujet, j’ai appris que M. Prévost avait observé à la même époque un individu très semblable, mais sans huppe, à Issoudun (Indre) et D. Timarche m’a rapporté que lorsqu’il baguait dans les dunes du Boulonnais, il lui arrivait fréquemment de capturer des jeunes merles « chauves », sans qu’aucun parasite n’ait pu être observé sur eux. Il m’a également confirmé que les contrôles ultérieurs des bagues montrent que ces individus retrouvent un aspect normal par la suite. F. Malher m’a indiqué une référence (BAND, 1956) dans laquelle l’auteur parle d’un merle mâle au plumage normal bagué en novembre 1950 et recapturé plusieurs fois, toujours avec un plumage normal jusqu'en 1954, puis revu en septembre et octobre 1955 avec une "mue excessive": tête dépourvue de plumes et taches de blanc sur tout le plumage. Capturé à nouveau en décembre 1955, sa mue était terminée et il avait, en plus des plumes blanches sur le corps, de nombreuses plumes blanches sur la tête. Quel est le lien entre les deux phénomènes ? L'auteur ne propose pas d'hypothèse…

Reste le problème de la huppe, qui n’a pas été signalé ailleurs, autant que je le sache. D. Timarche propose d’y voir le résultat d’une blessure, car, m’écrit-il, « une croûte ébouriffe les plumes autour d’elle ». Toujours selon cette source, une telle huppe pourrait aussi être le résultat d’une verrue. J’ajouterai que cette huppe, que je n’ai pu détailler du fait de l’éloignement de l’oiseau et de la brièveté de l’observation, pourrait également avoir été constituée de duvet aggloméré et non encore disparu du fait de la mue.

REMERCIEMENTS

Merci à F. Malher, M. Prévost et D. Timarche pour les informations qu’ils m’ont aimablement communiquées.

BIBLIOGRAPHIE

BAND R.M. (1956). Albinism related to age. British Birds 49, pp153-154
ISENMANN P., (2000). Le Merle noir. Eveil Nature, Saint Yrieix.



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